Les autorités françaises doivent cesser de stigmatiser les Roms

Publié le par amnesty.meaux.over-blog.com

07.01.2011
Les autorités françaises doivent cesser de stigmatiser les Roms

 

Photo : © Juan Pablo Gutierrez

Confrontées au risque constant d’être évacuées des camps où elles vivent en France, des centaines de familles roms roumaines et bulgares marginalisées pourraient se trouver sans logement convenable cet hiver.

Le sentiment anti-roms et les pratiques discriminatoires des autorités françaises se sont généralisés et intensifiés en 2010.

 

 

 



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En juillet 2010, le président Nicolas Sarkozy a qualifié les campements de Roms non autorisés de «sources de trafics illicites, de conditions de vie profondément indignes, [et] d'exploitation des enfants à des fins de mendicité, de prostitution ou de délinquance.»  Lors d’une réunion ministérielle, il a ordonné de procéder au démantèlement de ces sites dans les trois mois et demandé l'adoption de réformes législatives dans le but d’accélérer la procédure d’expulsion de Roms hors de France.

Le 5 août 2010, le ministère français de l’Intérieur a envoyé à tous les préfets une circulaire indiquant que les camps roms devaient être démantelés en priorité.
La circulaire du 5 août faisait suite à des instructions diffusées conjointement par le ministère de l’Intérieur et le ministère de l’Immigration, qui décrivaient à l'intention des préfets et des organes d’application des lois des mesures spécifiques afin :

- de démanteler les camps illicites,

- d’identifier ceux des habitants qui n'étaient pas français et dont la situation au regard de la législation sur l'immigration était irrégulière,

- de déterminer s’il y avait eu des atteintes à l’ordre public, et

- de prendre des mesures pour expulser les habitants concernés hors de France.

L’indignation publique suscitée par les effets discriminatoires du ciblage d’un groupe ethnique spécifique dans le cadre d’un programme d’expulsions a conduit le ministère à annuler la circulaire du 5 août, qui visait spécifiquement les Roms, et à la remplacer, le 13 septembre 2010, par l'ordre de démanteler «tous les camps illégaux» sur le territoire français.

Même si le langage spécifiquement discriminatoire utilisé dans la circulaire du 5 août a été retiré, les diverses consignes et circulaires existantes émises en 2010 semblent, lorsqu’elles sont prises ensemble, demander le déploiement d’efforts considérables dans le but d’identifier les camps illégaux, de les démanteler et d’expulser leurs habitants hors de France lorsque c’est possible. Lorsqu’elles sont mises en œuvre, ces mesures paraissent viser de manière disproportionnée les Roms d’origine roumaine et bulgare.

De nombreux organes internationaux et organisations non gouvernementales, dont le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale, l’Union européenne et le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, ont exprimé des craintes concernant la discrimination contre les Roms en France.

Dans son billet de blog intitulé Ne stigmatisons pas les Roms, Thomas Hammarberg a écrit, le 15 septembre 2010 : « Le renvoi de Roms, citoyens de l’Union européenne, est désormais courant dans plusieurs pays européens. La lutte engagée par la France contre la criminalité a particulièrement visé les Roms originaires de Roumanie et de Bulgarie. Renvoyer des familles roms d’un pays européen à l’autre ne résout rien. »


Les Roms se trouvant en France vivent généralement dans de très mauvaises conditions, dans des camps sans électricité, ni approvisionnement en eau ou installations sanitaires. Ils éprouvent des difficultés à trouver du travail, à aller à l’école et à bénéficier de soins de santé.
Le discours et les actions du gouvernement ont conduit à l’aggravation de l’exclusion des Roms, qui vivent isolés du reste de la société, dans des camps construits à proximité des autoroutes, à l’écart des zones construites et, parfois, au milieu des bois.
Beaucoup vivent dans la clandestinité et la crainte d’être découverts, puis évacués et d’avoir à trouver un nouveau logement. Certains de ceux qui ont été expulsés risquent également d’être renvoyés de France.

Christèle, une représentante de l’ONG locale Imediat, qui prête assistance aux résidents d’un camp de Roms à Villeneuve-le-Roi, en région parisienne, a récemment indiqué à Amnesty International que les conditions de vie se dégradaient avec l'arrivée de l'hiver.

Le climat de désapprobation sociale et de discrimination contre les Roms, alimenté par les déclarations de hommes politiques de premier plan et la diffusion de consignes officielles relatives aux évacuations et expulsions s’est intensifié au cours du second semestre 2010.
Claudia Charles, juriste pour le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) a dit à Amnesty International : « Le harcèlement, les menaces et la destruction ont toujours existé. Maintenant, cependant, on voit ça partout. »

 

Des communautés roms expulsées de force

Les recherches menées par Amnesty International à Paris et Marseille en septembre et octobre 2010 ont montré que de nombreuses évacuations de camps de Roms effectuées par les autorités ont enfreint des normes internationales relatives aux droits humains.

Des Roms qui vivaient dans les camps ainsi démantelés et des ONG locales ont déclaré à Amnesty International que les logements ont été détruits à peine quelques minutes après l’expulsion de leurs occupants roms. Les autorités locales ne les avaient pas consultés et ne leur avaient pas non plus proposé de solution de relogement adéquate.

Des habitants de camps roms et des ONG locales ont indiqué à Amnesty International que les avis d’expulsion n’avaient pas été expliqués ni traduits dans une langue comprise des Roms ; dans de nombreux cas, ils n'ont même pas eu le temps de rassembler leurs affaires. Ils étaient livrés à eux-mêmes pour essayer de trouver un autre site où construire un nouveau logement. Dans ces conditions, il reste très difficile pour eux de contester leur expulsion devant les tribunaux.

M., père de quatre enfants vivant dans un squat à Marseille, a dit à Amnesty International : « Deux jours avant la démolition [de l’immeuble], ils sont venus et nous ont dit que nous devions nous installer ailleurs. Peu leur importait le lieu, ils nous ont seulement dit de partir. Puis un matin, nous avons vu les bulldozers. Des gens sont rentrés dans la maison, ont jeté ce qu’ils y ont trouvé par la fenêtre et ont commencé à la démolir. »

Adrian, qui vit avec sa famille dans un camp rom situé dans les bois à Villeneuve-le-Roi, en région parisienne, a dit : « Nous sommes arrivés à prendre la plupart de nos affaires mais pas tout. Nous avons eu peur lorsqu’ils se sont mis à démolir les maisons au-dessus de la nôtre […] ils ont commencé à donner des coups de pied et de barre métallique dans les cabanes alors que nous nous efforcions de rassembler nos affaires […] Nous avons dormi une nuit dans la rue avec nos matelas à même le sol après notre expulsion par la police.»

 

 

 Expulsions forcées
Procéder à une expulsion forcée consiste à déloger contre leur gré des personnes de leur habitation ou de terrains qu'elles occupent, sans véritable consultation auprès des personnes concernées ni proposition de relogement dans des conditions adaptées, que ces personnes louent, possèdent ou occupent les terrains ou logements en question.

Les conséquences des expulsions sont catastrophiques.
Les personnes qui subissent une expulsion forcée sont bien souvent dépossédées de leurs biens, coupées de leur réseau social et privées d’accès à l’emploi et à des services tels que l’école et les structures médicales.
Elles peuvent se retrouver sans abri ou dans une situation pire qu’avant.

Une expulsion menée par la force ne constitue pas une expulsion forcée si les garanties appropriées sont en place.

 


Des populations qui peinent à vivre dignement


Les Roms que les délégués d’Amnesty International ont rencontrés à Paris et à Marseille ont évoqué le cercle vicieux de la marginalisation et de l’exclusion dans lequel ils sont pris au piège en France et dans d'autres pays membres de l'Union européenne où certains d’entre eux avaient vécu auparavant. La plupart ont essayé de se débrouiller pour gagner leur vie, en recyclant de la ferraille, comme travailleurs manuels occasionnels ou en mendiant dans la rue. Aucune de ces solutions ne fournissent un revenu stable ni ne permettent de vivre dans la dignité.

C., une Roumaine vivant dans un camp de Massy, près de Paris, a dit à Amnesty International qu'un grand nombre des personnes vivant dans le camp veulent travailler mais n’arrivent pas à trouver d'emploi. « Bien sûr qu’on veut travailler. Même ceux qui vont mendier dans la rue et ne connaissent pas la langue ont des pancartes où sont écrits des messages comme "Donnez-nous du travail s’il-vous-plaît, nous voulons travailler, nous voulons gagner notre vie" ».

Des parents roms ont également fait part à Amnesty International de leurs inquiétudes concernant la scolarité de leurs enfants. Ils ont dit être obligés de tout recommencer si souvent qu’ils ne sont généralement pas en mesure d’inscrire leurs enfants à l’école, ou avoir été confrontés à des obstacles administratifs tels que ceux-ci ont fini par empêcher totalement les enfants d’aller à l’école.
Christèle, une représentante de l’ONG parisienne Imediat, a dit à Amnesty International que sur la trentaine d’enfants qu’elle avait essayé de faire inscrire à l’école au cours des trois derniers mois, seuls trois ont été acceptés.



Agissez
 Vous pouvez faire changer les choses pour les Roms en écrivant au ministre français de l’Intérieur, Brice Hortefeux, afin d’exprimer vos inquiétudes et de demander aux autorités françaises de plus amples informations sur ce qu’elles font pour que leurs politiques et leurs pratiques n’induisent pas de discriminations à l’égard des Roms.
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